Chers frères et sœurs,

Je pense qu’il est vain de vous demander si vous connaissez les histoires de Don Camillo ? N’est-ce pas ? Tous ont vu « Le petit monde de Don Camillo », « Le retour », « La Bagarre », « Don Camillo Monseigneur », et même « Don Camillo en Russie ».

Mais connaissez vous l’histoire « Don Camillo en France en 2016 » ? Non, et bien dans ce cas la voici.

Un soir, après avoir célébrer la Messe de l’Avent, Don Camillo demeurait en prière. Une étrange question s’incrusta dans son esprit :

quote-left A quoi pourra ressembler l’avenir dans quelques décennies. Sera-t-il vraiment différent du temps présent avec toutes ces petites habitudes de la campagne italienne ? Sera-t-il meilleur ou pire que le présent ?

Connaissant les pensées de son prêtre, le Seigneur l’appela du haut de la Croix :

Don Camillo, veux-tu que je t’envoie pour quelques jours dans le futur ? 

Oh, oui Seigneur, ce serait une grâce extraordinaire que vous m’accorderiez !, répondit-il.

Soit, Don Camillo, dit le Seigneur, Je vais t’envoyer en 2016. Mais pour que cela soit encore plus dépaysant, tu iras en France. Tu prendras la place d’un curé de campagne .

La toute puissance de Dieu n’ayant pas de limite, Don Camillo se trouva instantanément transporté en France, l’an de grâce 2016, dans un petit village de campagne. Comme on était à la veille de Noël, il se précipita à l’église et s’installa pour les Confessions. S’attendant à voir une queue interminable de personnes désireuses de vivre la réconciliation, Don Camillo constata qu’il n’y avait pas un chat. Au bout d’une heure d’attente, il demanda à Jésus :

Seigneur, mais où sont-ils tous passés ?

Ils sont sûrement au Carrefour, en train de choisir une dinde ou un foie gras, répondit le Seigneur. Quant aux plus jeunes, ils sont probablement à la Fnac ou l’Apple Store, c’est une autre histoire.

Mais comment font ils pour préparer leur cÅ“ur à vous recevoir, Seigneur ? – s’étonna le prêtre.

La vérité, Don Camillo, c’est qu’ils n’y croient plus trop. Ils ne sont plus conscients du péché, de ce mal qui les ronge et les éloigne de la vérité. Ils cherchent la jouissance éphémère de l’instant présent. Le monde les séduit par des myriades de choses périssables, incapables de satisfaire un cœur assoiffé. J’ai beau leur ouvrir la porte de ma Miséricorde, ils hésitent à en franchir le seuil. Si seulement ils pouvaient saisir la tendresse de mon Amour. Si seulement ils désiraient mon pardon qui guérit l’âme. Alors ils trouveraient la paix et le bonheur véritable. Je les attends toujours dans des églises du monde entier à travers mes prêtres. Je le ferai jusqu’à la fin de temps.

Don Camillo resta silencieux et pensif. De toute évidence le monde avait changé. Il commença à se demander si c’était en bien…

Ils se sont obstinés à me chasser de leur vie

Au bout de deux heures d’attente, il décida de faire une petite promenade en récitant le chapelet.

Cela, se dit-il, me changera les idées et me permettra de voir les belles crèches de Noël exposées sur les places et les marchés.

Hélas, à son grand étonnement, Don Camillo ne trouva aucune crèche de Noël. Il pouvait bien sûr admirer guirlandes, sapins, étoiles ainsi qu’un étrange petit homme rouge barbu pendu à une fenêtre… Mais rien qui ressemble à une étable avec un bœuf, un âne, Marie, Joseph et Jésus.

 Seigneur, s’exclama-t-il, où donc ont-elles toutes disparues ?

Et bien, Don Camillo, répondit le Seigneur, les élites du peuple considèrent que mon lieu de naissance est un signe de radicalisation religieuse ainsi qu’un critère d’une potentielle dangerosité. Aussi, au nom de la liberté, ils les ont toutes bannies. La foi chrétienne doit être de nouveau cachée, comme aux premiers siècles. J’ai beau  leur dire qu’il n’y a rien d’aussi tendre ni d’aussi inoffensif qu’un enfant. Ils se sont obstinés à me chasser de leur vie, de leurs villes et de leurs villages, sans se rendre compte que des puissances malveillantes en prenne possession.

Don Camillo devint triste. Comment est-ce possible que le futur soit devenu aussi lugubre, aussi maussade. Que cela paraissait lointain, toute cette heureuse ambiance du temps de sa jeunesse quand dans les rues on entendait des chants de Noël et quand toute la famille se pressait vers la crèche pour offrir un présent au Divin Enfant prenant ainsi de vitesse les rois-mages. En cette année 2016 les gens lui paraissaient plus tristes, plus préoccupés, plus déboussolés…

Don Camillo rentra au presbytère et, sans trop d’enthousiasme commença les préparatifs pour la Messe de Minuit. Si personne n’est venu à la Confession, si rien dans la ville n’indique la Naissance du Sauveur, alors il y a de fortes chances que l’église soit aussi vide cette nuit-là, se dit-il. Mais à l’heure prévue, il constata avec étonnement qu’elle était pleine à craquer !

Seigneur, d’où viennent-ils tous, alors qu’on ne les voit pas durant les autres dimanches ? demanda-t-il.

Ce sont ces cœurs assoiffés dont je t’ai parlé, Don Camillo, répondit le Seigneur. Ils gardent encore au fond de leur âme la petite flamme de la foi de leurs parents, ou grands-parents, ou catéchistes. Parfois ils ne savent pas trop dire en qui ils croient ni s’ils croient. Mais cette tradition de Noël les amène dans ma maison et me donne l’occasion de leur parler cœur à cœur. Leur dire que je connais leurs peines, leurs blessures et leurs souffrances ; que je les aime et les attends ; que je ne rejetterai pas celui qui se tourne vers moi… Ce sont mes brebis, mes enfants, Don Camillo, prends en grand soin. En me trouvant, ils trouveront la Vie.

Don Camillo se tourna vers le Crucifix avec désarroi :

Seigneur, que puis-je leur dire ? Le monde a changé, tout a changé, rien n’est plus comme avant ! 

Si, Don Camillo, répondit le Seigneur, mon Amour pour l’homme demeure à jamais ! Tu leur diras que Je suis Tendresse et Pitié, lent à la colère et plein d’amour ; que Je n’agis pas envers eux selon leurs fautes, ne leur rends pas selon leurs offenses ; comme la tendresse du père pour ces fils, ainsi ma tendresse pour eux. Dis leur, Don Camillo, dis leur de regarder la crèche et de comprendre que mon Amour est de toujours à toujours.

Don Camillo célébra la Messe de Noël et durant une longue l’homélie il mit tout son cœur pour exhorter le peuple à revenir vers le Seigneur en vivant pleinement les sacrements de Confession et de l’Eucharistie fréquente. Il leur parla de la foi qui peut transporter les montagnes, il leur parla de la joie de l’Evangile, il leur parla de la tendresse de Dieu ».

De retour dans son temps et dans son pays, Don Camillo se rendit compte que cette étrange expérience lui a permis de comprendre l’essentiel :

Il n’existe ni un bon vieux temps, ni un mauvais présent, ni un inquiétant futur. Car chaque jour, et particulièrement la Nuit de Noël, est un maintenant où Dieu nous offre son Amour et attends notre réponse. C’est d’elle que dépendent la joie et le bonheur de l’homme.

Il regarda la Vierge Marie tenant dans ses bras le Divin Enfant et murmura avec tendresse :

Mon Dieu, je vous aime.

Abbé Bogdan Velyanyk – Curé